Menacé par un vote de confiance, le gouvernement de François Bayrou se trouve au centre d’un compte à rebours serré dont l’issue pourrait contraindre l’exécutif à conduire en urgence la procédure budgétaire.
Entre contraintes constitutionnelles, échéances politiques et enjeux macro‑budgétaires lourds, la marge de manœuvre pour fixer priorités et arbitrages est limitée.
Le calendrier constitutionnel et procédural
La Constitution et les lois organiques prévoient que le Parlement dispose de 70 jours pour examiner un projet de loi de finances. Avant dépôt, le gouvernement doit recueillir l’avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et du Conseil d’État.
L’exécutif prévoit de présenter le texte en conseil des ministres puis de le déposer à l’Assemblée nationale au plus tard le mardi 7 octobre 2025 ; en pratique, pour préserver les délais techniques et permettre la durée d’examen parlementaire, des observateurs estiment que la « date butoir pratique » se situe plutôt autour du 15 octobre 2025.
Dates politiques clefs et scénarios
Le Premier ministre a entamé des consultations le 1er septembre 2025. Le 8 septembre est annoncé comme la date possible d’un vote de confiance susceptible de provoquer la chute du gouvernement. Trois scénarios principaux se dessinent :
- Vote de censure ou retrait de confiance le 8 septembre, nomination rapide d’un nouveau Premier ministre : le nouvel exécutif disposerait d’environ un mois pour reprendre la procédure et déposer le projet de loi de finances (d’où l’impératif d’un dépôt avant la mi‑octobre).
- Dissolution de l’Assemblée par le Président le 8 septembre : l’organisation d’élections législatives prend en général 20 à 40 jours, plaçant les scrutins entre le 28 septembre et le 18 octobre 2025, ce qui compliquerait un dépôt avant le 7 octobre mais n’exclurait pas qu’un calendrier permette néanmoins 70 jours d’examen selon le calendrier retenu.
- Gouvernement en affaires courantes (pas de nouveau Premier ministre) : recours possible à une loi spéciale pour reconduire le budget précédent jusqu’au 19 décembre 2025, une option juridiquement contestée et jamais tranchée de façon définitive par le Conseil constitutionnel.
Conséquences pour le calendrier budgétaire
Si le gouvernement tombe et qu’un successeur est nommé rapidement, la procédure devra être relancée très vite pour tenir la fenêtre parlementaire. En cas de dissolution, le calendrier électoral risque d’empiéter sur la période normale de dépôt mais ne rend pas automatiquement impossible l’examen du PLF selon l’enchaînement des actes.
À l’inverse, si l’exécutif reste en affaires courantes, la voie d’une reconduction temporaire du budget est praticable mais fragile juridiquement et politiquement : un gouvernement démissionnaire est théoriquement limité dans ses pouvoirs et nombre de juristes jugent inconcevable qu’il dépose un « vrai » projet de loi de finances.
Enjeux macro‑budgétaires immédiats
Les chiffres 2025 exposent des tensions concrètes : charges d’intérêts à 68 milliards d’euros ; déséquilibre courant (hors intérêts) de 91 milliards d’euros ; dépenses hors intérêts 1 627 milliards d’euros ; recettes 1 535 milliards d’euros — soit un besoin de financement total de 159 milliards d’euros en 2025. Si la gestion reste inchangée, le besoin de financement est estimé à environ 170 milliards en 2026.
Un taux d’intérêt moyen de la dette prévu à 2,2 % face à une croissance attendue à 2 % a déjà produit un besoin de financement supplémentaire d’environ 7 milliards en 2025. La hausse durable des taux par rapport à la croissance aggrave le risque d’un creusement du ratio dette/PIB et réduit les marges pour l’école, la santé et les services publics.
Arbitrages et pistes recommandées
Les orientations proposées visent à réduire progressivement le déficit sans étouffer la croissance ni creuser les inégalités : objectif d’une réduction d’au moins 40 milliards d’euros en 2026, puis trajectoire d’ajustement pour viser un déficit proche de 3 % du PIB en 2029. Les analyses mettent en garde contre :
- Mesures à éviter : coupes massives dans les dépenses de fonctionnement des administrations et des collectivités, ou hausses indiscriminées des prélèvements, qui ont un fort effet récessif ou limitent finalement les recettes.
- Mesures à privilégier : économies ciblées sur postes ayant connu des dérives structurelles et ajustements sur certains transferts indexés sur les revenus du travail (retraites, allocations liées à l’emploi), combinés à des prestations compensatoires ciblées pour les plus vulnérables (par exemple un renforcement des minima) afin de contenir les inégalités et préserver l’acceptabilité sociale.
Risques politiques et juridiques
Le calendrier budgétaire est profondément politisé : l’échec d’un vote de confiance ou l’adoption d’un plan d’économie en période d’affaires courantes soulèveraient des questions de légitimité et d’opérabilité juridique. L’étendue des pouvoirs d’un gouvernement démissionnaire en matière budgétaire reste incertaine et n’a pas été tranchée de façon explicite par la jurisprudence constitutionnelle. Sur le plan politique, les arbitrages exigent une combinaison de négociation parlementaire, communication et mesures visant à concilier consolidation et soutien à la croissance.
« La France a besoin d’un budget dans les temps », avertit l’un des responsables institutionnels : la fenêtre pour agir est courte et les choix qui seront faits auront des conséquences directes sur les comptes publics et la vie quotidienne des Français.


